Lausanne 1830, du consulting à l’encadrement de projet

Benjamin Vurlod

Benjamin Vurlod

Interactive Media Designer

De plus en plus de projets orientés vers le jeu vidéo prennent forme et se développent au sein d’écoles, de pôles de recherche universitaire ou d’autres structures similaires. Ils sont souvent composés de personnes actives dans la création numérique, dans la programmation, dans le design interactif. Ils se composent également de nombreux spécialistes et chercheurs du domaine traité.

Parmi les intervenants habituels de ces types de projet, ceux-ci sont souvent “juniors”, et/ou bien n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble, alors que c’est particulièrement important dans un domaine pluridisciplinaire comme l’est le jeu vidéo. L’envie commune de faire un jeu vidéo ne suffit malheureusement pas !

Quels sont les risques principaux, comment les minimiser et s’assurer un minimum de la réussite du projet ? Voici quelques pistes dans le cadre de la réalisation du projet “Lausanne 1830 : Histoires de registres”.

Nous avons été approchés par le GameLab UNIL-EPFL au début de l’été 2021, dans le but de prendre part à un projet mettant en valeur les archives de la ville de Lausanne durant la décennie 1830. L’ambition était de réussir à présenter de nombreuses sources historiques et de plonger l’utilisateur dans le Lausanne de l’époque, par le biais d’un jeu vidéo.

Ce projet avait également pour but de remplir plusieurs objectifs du plan d’étude romand (PER), qui cadre des apprentissages des élèves du canton. Il réunissait à ce titre des intervenants de différents horizons : des historiens et archivistes spécialistes de la période donnée, des spécialistes de l’enseignement numérique, ainsi qu’une équipe de production composée de trois étudiant·e·s : Saara Jones (game design, UNIL), Sarah Jallon (graphisme, HEIG-VD), Andrew Dobis (programmation, EPFLETHZ).

Bien souvent notre implication dans ce genre de projet se limite à du consulting dans la phase de conception / pré-projet et à quelques interventions sporadiques sur la phase de production. Mais dans ce cas, le commanditaire du projet a souhaité fonctionner différemment. L’idée était d’avoir l’opportunité de piloter le projet avec lui et de prendre part activement à son développement en termes d’encadrement sur toute la durée de conception et de production. Notre mandat a démarré en septembre 2021.

Voici donc quelques pistes par rapport à la problématique soulevée en introduction.

Parmi les difficultés que l’on rencontre régulièrement dans les projets il y a : gérer le dimensionnement par rapport à un budget et / ou par rapport à un délai de rendu, la problématique de trouver une vision globale et de suivre cette direction, apprendre à communiquer entre différentes disciplines (l’artiste a besoin de comprendre ce que fait un développeur et vice-versa), gérer des acteurs avec des niveaux d’expérience différents, créer et gérer un esprit d’équipe, les problématiques de confiance. Cette liste est bien sûr non exhaustive !

Ces écueils peuvent être anticipés et gérés avec l’expérience, ainsi qu’avec une conduite de projet professionnelle. En effet, l’expérience acquise avec les années joue un rôle particulièrement important dans la création vidéoludique, le domaine étant créatif, pluridisciplinaire et particulièrement vaste !

Au niveau humain d’abord, il faut se découvrir et gérer des rôles et des intervenants différents. Il s’agit souvent d’avoir un rôle de médiateur, et si nécessaire d’avoir un rôle décisionnel final, avec la légitimité de notre casquette professionnelle. Sur les buts à atteindre, il faut clarifier les éléments de base du projet et poser les bonnes questions au bon moment. Cela permet d’anticiper les problématiques et force à réfléchir un minimum avant de se lancer dans la production. On s’assure également que la direction prise par le projet est comprise par tous, que les objectifs sont clairs et que le travail de chacun ne soit pas perdu par manque de communication. Il faut optimiser le temps consacré au projet par chacun des acteurs, d’autant plus quand ils sont nombreux. On pose par exemple des questions du type : à quoi sert le jeu ? Comment sera-t-il exploité ? Quels messages on souhaite transmettre ? Est-ce que les décisions prises fonctionnent, ne fonctionnent pas ? Qu’est-ce qui est du domaine de l’essentiel ?

D’autres aspects plus pratiques sont par exemple de travailler d’abord avec des placeholder (*) avant de produire des éléments définitifs, de se confronter régulièrement avec des joueurs “novices” ou ne connaissant pas le jeu : c’est le meilleur moyen de prendre du recul quand on a la “tête dans le guidon”, de prioriser les tâches.

Les quelques aspects cités ici permettent de gagner du temps et permettent d’éviter un maximum de problématiques qui peuvent mettre à mal un projet.

Au final, s’entourer d’un studio avec de l’expérience ou de consultants qualifiés dans le jeu vidéo est assurément un plus, ce sont des questions et des challenges que nous relevons tous les jours ! Nous avons ainsi pu encadrer le projet sur toute sa durée dans des domaines tels que la programmation, le game design, la direction artistique, les playtests et retours de playtests. Mais le travail ne peut pas être accompli si l’équipe en place n’est pas appropriée, car après tout, c’est elle la force du projet. Dans le cas de Lausanne 1830, elle a fait un travail remarquable. La confiance réciproque, la réactivité et la disponibilité de chacun nous ont permis à tous d’avancer dans le bon sens durant ces 10 mois de production.

Ce que nous retenons de cette expérience est extrêmement positif. Si ce mode de fonctionnement implique un encadrement conséquent dans la phase de pré-projet et un suivi régulier durant la production, la plus value est vraiment visible. En termes de chiffre pour le projet Lausanne 1830, la charge de travail aura été de 55% pour l’équipe de production, 35% pour l’encadrement et le suivi, et enfin 10% pour l’axe de la recherche historique. Mais ce niveau de supervision – nécessaire quand on est confronté à une équipe sans expérience de travail en commun – aura permis d’allier créativité et efficacité, amenant le projet à un très bon niveau.