Après une année de travail, nous avons terminé le prototype de Swordship, notre prochain jeu. Retour sur une expérience de pré-production intense et complexe qui nous aura donné du fil à retordre avant l’obtention d’un prototype fonctionnel.
Après une année de travail, nous avons terminé le prototype de Swordship, notre prochain jeu. Retour sur une expérience de pré-production intense et complexe qui nous aura donné du fil à retordre avant l’obtention d’un prototype fonctionnel.
En 2017, plongé dans l’univers d’une bande dessinée franco belge nommée Golden City, j’imagine une forme de side story dans laquelle nous vivons l’histoire d’un héro pilotant un bateau; le “Swordship”. L’histoire raconte des aventures de livraison de marchandises en mode go fast, à mi-chemin entre Driver et 60 Secondes Chrono. Aux commandes de ce bolide, on est plongé dans un futur post apocalyptique recouvert par les eaux. L’univers est posé et rapidement des concepts visuels sortent. Pendant presque une année, le projet est nourri de nombreux éléments qui pourraient laisser présager la naissance d’un jeu. En octobre 2018, l’équipe commence à monter un prototype. Le maître mot en terme de game design: esquiver. Dans un style très arcade, le jeu vise à utiliser ses capacités de conduite pour envoyer les ennemis les uns contres les autres.
Le premier prototype est de bonne facture visuelle. Cependant, après quelques essais, nous réalisons que nous sommes pris en étau entre deux designs. La fautive? La caméra. La vue de jeu présente d’un côté des éléments devant le joueur pour qu’il puisse se diriger. De l’autre, un dégagement arrière assez large lui permet de placer les ennemis sur ses côtés afin de créer des actions attaque/esquive. Résultat, un jeu de course avec la vue sur l’avant et un jeu tactique avec une vue périphérique dégagée permettant d’anticiper les actions des ennemis. Malheureusement rien n’est clair pour le joueur qui ne sait pas où regarder, quoi prioriser. En matière de game design beaucoup de choses se contredisent. Il y a presque deux jeux dans un et en matière de conception, il est rarement bon de commencer ainsi.
La vitesse est un élément important du jeu. Nous ne voulons surtout pas ôter cette sensation au joueur en ralentissant davantage le défilement des éléments à l’écran. Cela lui procurerait plus de temps à de la stratégie de placement des ennemis. Nous testons des niveaux linéaires à grande vitesse dans lesquels la conduite se résume plus à de l’évitement latéral d’obstacles. Le résultat n’est toujours pas concluant.
Après de nombreux essais, nous présentons en août 2019 à la Gamescom un prototype avec une vue de jeu plus éloignée. Nous l’adaptons au mobile en mode vertical. Les retours de professionnels de l’industrie nous font remettre en question le choix de la caméra. Plusieurs arguments liés à la commercialisation et aux plateformes en sont la cause. Le plus gros problème ? Cette caméra de jeu distante qui éloigne le joueur de l’action et du concept de base.
Le projet commence à se diluer et la vision se floute. Nous prenons le temps de remettre en lumière les éléments essentiels que nous voulons voir apparaître dans le jeu. C’est après un visionnage de poursuite de voitures, plus précisément Mad Max Fury Road, que nous plaçons la caméra depuis l’avant du bateau. Ce nouvel angle de vue nous permet de garder une stratégie de combat/esquive face à des poursuivants. Nous pouvons les voir venir de loin, prioriser les actions et voir le résultat. La vitesse quand à elle reste présente de manière visuelle mais est relative aux ennemis. Elle nous permet d’avoir le temps de construire des schémas de jeu intéressants. C’est le déclic! A partir de ce moment nous travaillons en confiance et proposons un prototype de jeu pertinent…
Si l’on revient sur le visionnage du premier prototype, nous avions placé une caméra arrière comme dans les jeux de voiture. Avec du recul, on se rend bien compte que celle-ci est indispensable afin de savoir si l’on est poursuivi ou pour voir si l’adversaire est semé. Pourquoi ne l’avons-nous pas remarqué plus vite ? Un casse-tête à s’en mordre les doigts ? Non pas du tout… Mais à terme, ce cheminement artistique et cette croisade de game design nous aura permis de résoudre un grand nombre de problèmes qui auraient eu de graves conséquences sur le jeu final.
Après une année de pré-production, nous avons affiné la partie visuelle pour la rendre cohérente avec un design de jeu solide. Nous avons bénéficié d’un soutien financier de la part de Pro Helvetia pour ces phases de recherches et nous avons confronté très tôt le projet à des professionnels internationaux de l’industrie du jeu vidéo. Expérience à la fois enrichissante et douloureuse en 2019, mais à l’aube de cette nouvelle année, nous sommes d’attaque pour continuer la course avec notre Swordship qui n’est assurément plus une coque de noix.