Lego sublime-t-il réellement le potentiel de ses créations avec la réalité augmentée ?

notre avis sur Hidden Side, la nouvelle collection

Benjamin Vurlod

Benjamin Vurlod

Interactive Media Designer

Lego a sorti cet été une nouvelle gamme sur laquelle se greffe une expérience de jeu en réalité augmentée. La marque Danoise est souvent avant-gardiste et pleine de bonnes idées. Alors quand elle sort une collection qui rappelle Ghostbusters et nous évoque des éléments de doubles mondes à la manière de Stranger Things, nous n’avons pas hésité une minute avant d’acheter une ou deux boîtes. Retour d’expérience avec  notre oeil de connaisseur sur cette nouveauté.

Essayons de vous expliquer le principe de cette collection en quelques mots. Hidden Side restent des boîtes de construction classiques même si le thème surfe sur un univers fantastique. La principale différence est que le jeu permet également de jouer en réalité augmentée sur les constructions. L’application mobile propose deux modes de jeux. Le mode “chasseur” en réalité augmentée dans lequel on chasse les fantômes sur notre construction. Le mode “fantôme” quant à lui se joue uniquement via le téléphone. On incarne des personnages dans des niveaux de jeux identiques aux constructions dans le but de les détruire.

En se basant sur cette citation, on comprend mieux ce que la marque tente de reproduire. Hidden Side contient beaucoup de bons éléments. On peut par exemple observer des changements virtuels tout en modifiant la structure physique de l’objet. On manipule une molette sur l’objet, ce qui change la couleur avec laquelle on chasse les fantômes dans l’application. D’un point de vue commercial, là aussi le job est bien fait. Le mode “fantôme” guide vers un achat des sets pour pouvoir progresser dans son aventure. Il constitue le principal levier vers l’achat de la collection au complet. On peut se poser des questions de moralité mais parallèlement, il est probablement plus facile pour un parent d’acheter un jouet Lego à son enfant pour ainsi de progresser dans le jeu plutôt qu’un pack de diamants virtuels à 50 CHF sur un jeu “gratuit” traditionnel.

Si à première vue le produit est plutôt sexy en surface, après l’avoir testé et fait tester à de plus jeunes, quelques éléments nous ont troublé. Premièrement, nous n’avons pas réellement ressenti une sensation de fluidité entre la réalité augmentée et le monde réel. Certes, un univers virtuel se construit autour de la construction. Cependant, hormis quelques interactions entre le virtuel et le réel, on se focalise très vite uniquement sur le téléphone. Le jouet physique devient ainsi un élément cosmétique. En observant quelques joueurs, nous constatons qu’ils perdent petit à petit la connexion avec l’objet.

Un autre facteur à prendre en compte est celui du nombre de joueurs. Il est compliqué de jouer à plusieurs alors que l’un des piliers de Lego repose sur le jeu collectif. Le téléphone devient rapidement l’élément d’attention principal et le jeu collectif est réduit à néant. Il est possible de jouer avec plusieurs téléphones mais comme l’objet demande d’être manipulé cela devient vite complexe. On se retrouve alors devant un jeu très individuel avec des spectateurs (ou non), les autres joueurs s’étant rapidement désintéressés.

Selon nous, cet essai avec la réalité augmentée offre des opportunités intéressantes. Cependant, elles ne se connectent pas très bien avec l’esprit et le potentiel des jouets Lego… Le jeu isole le joueur plutôt que de lui permettre d’enrichir ses constructions en utilisant le virtuel pour rompre les codes de la brique Lego. Pourquoi ne pas s’être appuyé sur Lego Movie visuellement ou encore Minecraft que les jeunes adorent ? Il n’y a pas d’éléments simples mais diablement efficaces qui permettent réellement d’améliorer le jeu libre, de créer plus de cohérence et de s’appuyer sur l’imagination des enfants. Dans notre enfance nous adorions faire des mises en scène, puis se mettre à plat ventre au ras des éléments pour s’immerger au plus proche de nos constructions. Nous faisions des stop-motion parfois avec un vieux caméscope. Il nous arrivait aussi d’aller prendre de l’eau pour remplir une piscine en briques ou prendre une lampe de bureau pour simuler un couché de soleil. On imaginait le feu derrière les boosters de nos vaisseaux spatiaux ou encore le son du saloon des Lego Far West.

Cela peut paraître un brin dépassé, cependant en observant les enfants aujourd’hui, ils s’adonnent aux mêmes jeux que nous il y a 20 ans. Ce n’est pas parce qu’ils jouent à Fortnite sur leur téléphone qu’ils perdent cette créativité autour des Legos. Le potentiel de la réalité augmentée n’est pas encore totalement révélé chez Lego, mais ce qui est sûr c’est que celle-ci devrait être beaucoup plus au service de l’objet de jeu et de l’imagination des joueurs.